La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni comptent le même nombre d’élèves (12 millions) et pourtant, le Royaume- Uni et l’Allemagne dépensent chaque année 30 milliards de moins par rapport à la France pour les premier et second degrés (hors maternelle et enseignement supérieur). En 2013, dans une étude réalisée par Manon Meistermann et Charlotte Uher, la Fondation iFRAP a cherché à identifier d’où venait cet écart.
10 ans plus tard, cette étude est-elle toujours d’actualité?
En 2013, L’iFRAP avançait plusieurs constatations :
• La France disposait de 67 000 enseignants de plus qu’en Allemagne et 270 000 de plus qu’au Royaume-Uni pour un même nombre d’élèves, avec une masse salariale annuelle estimée à 84 milliards € contre 55 milliards € chez nos voisins
• Une administration coûteuse : environ 200 000 personnels non enseignants, contre 87 000 en Allemagne et un peu plus de 100 000 au Royaume-Uni
Fondation IFRAP
Dépenses de l’Éducation en France : Une Analyse Actualisée de la Critique de l’iFRAP (2023/2024)
Résumé Exécutif
Ce rapport propose une analyse actualisée des dépenses du système éducatif français, en revisitant les arguments fondamentaux et les solutions proposées dans l’article de l’iFRAP de 2013/2014, intitulé « Éducation : Pourquoi la France surpaye et comment en sortir ». Bien que la dépense intérieure d’éducation (DIE) en France ait considérablement augmenté en termes nominaux au cours de la dernière décennie, sa part dans le PIB est restée stable, ce qui indique une croissance globalement alignée sur celle de l’économie. Cependant, les inefficacités structurelles identifiées par l’iFRAP, en particulier concernant les frais administratifs et la gestion du personnel enseignant, demeurent des préoccupations pertinentes, bien que les nuances aient évolué. Les comparaisons internationales, notamment à travers les résultats PISA, mettent en évidence des défis persistants pour atteindre des résultats équitables malgré un investissement substantiel.
Source : DEPP, L’Éducation nationale en chiffres, édition 2024.
Chiffres Clés Actualisés :
Dépense Intérieure d’Éducation (DIE) totale en France : 189,9 milliards d’euros en 2023. L’article de l’iFRAP citait 84 milliards d’euros pour l’éducation obligatoire en 2013 , rendant les comparaisons directes des totaux complexes en raison des périmètres différents.
DIE en % du PIB : 6,7 % en 2023, cohérent avec le chiffre de 2014.
Dépense moyenne par élève/étudiant : 10 470 euros en 2023.
Personnel non enseignant : Environ 348 400 en 2023-2024 , une augmentation notable par rapport au chiffre de 200 000 de l’iFRAP.
Temps de travail des enseignants : Les enseignants du secondaire français travaillent 720 heures/an (2023), légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (706 heures). Les enseignants du primaire travaillent 900 heures/an, significativement plus que les moyennes de l’UE25 (703h) et de l’OCDE (773h).
Salaires des enseignants : Les enseignants du secondaire en début de carrière en France gagnent significativement moins que leurs homologues en Allemagne (30 935 euros contre 61 457 euros en 2021-2022).
Résultats PISA 2022 : La France obtient des scores proches de la moyenne de l’OCDE en mathématiques, lecture et sciences, mais présente l’un des plus grands écarts de performance lié au milieu socio-économique parmi les pays participants. Le Royaume-Uni obtient des scores supérieurs à la moyenne de l’OCDE, tandis que l’Allemagne est proche de la moyenne.
Pertinence Globale :
L’affirmation fondamentale de l’iFRAP concernant le « surpaiement » reste un point de discussion valable, non pas nécessairement en termes de croissance incontrôlée des dépenses, mais plutôt en ce qui concerne la capacité du système à traduire un apport financier significatif en résultats éducatifs optimaux et en opportunités équitables. Les inefficacités structurelles soulignées par le rapport original – la bureaucratie administrative, le nombre d’établissements et la gestion du personnel enseignant – continuent de représenter des défis politiques cruciaux. Bien que certaines réformes aient été initiées, les changements exhaustifs proposés par l’iFRAP, en particulier en matière de décentralisation et de statut des enseignants, n’ont été mis en œuvre que de manière limitée ou partielle. Les évaluations internationales continues soulignent que le défi pour la France est d’améliorer l’efficience et l’équité de son système éducatif afin d’assurer un meilleur retour sur son investissement substantiel.
Introduction L’article de l’iFRAP de 2013, « Éducation : Pourquoi la France surpaye et comment en sortir », est une critique significative de la gestion financière du système éducatif français. Publié en septembre 2013 et mis à jour en mars 2014, l’article avançait que la France engageait une dépense annuelle excessive d’environ 30 milliards d’euros dans son système d’éducation obligatoire (de l’élémentaire à la fin du secondaire) par rapport à des pays voisins comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, et ce, malgré un nombre d’élèves comparable. L’iFRAP attribuait ce surcoût perçu à plusieurs facteurs principaux : un nombre excessif d’établissements scolaires, des dépenses administratives centrales disproportionnellement élevées, et des inefficacités liées à la masse salariale des enseignants, incluant leur nombre, leurs heures de cours, la nature restrictive de leurs missions et le coût élevé de leurs retraites.
Ce rapport vise à fournir une analyse actualisée et exhaustive de ces affirmations, en s’appuyant sur les données les plus récentes disponibles, principalement de 2023 et 2024. Les objectifs principaux sont doubles : premièrement, actualiser les statistiques et les arguments clés présentés par l’iFRAP avec les chiffres actuels ; et deuxièmement, évaluer de manière critique la pertinence continue de l’analyse originale de l’iFRAP et de ses solutions proposées à la lumière des développements de la dernière décennie et du paysage éducatif actuel. Cela inclut une analyse comparative détaillée avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, lorsque les données actuelles le permettent, ainsi qu’une évaluation des performances de la France dans les évaluations internationales telles que le Programme pour l’Évaluation Internationale des Élèves (PISA). L’analyse conservera un ton formel, objectif et fondé sur les données, adapté à un public professionnel engagé dans le débat sur les politiques publiques.
Paysage Actuel des Dépenses d’Éducation en France (Données 2023)
Cette section détaille les données financières les plus récentes concernant le système éducatif français, fournissant une base pour évaluer les affirmations de l’iFRAP datant d’une décennie.
Dépense Intérieure d’Éducation (DIE) et son Évolution
En 2023, la Dépense Intérieure d’Éducation (DIE) estimée en France a atteint 189,9 milliards d’euros. Ce montant couvre l’ensemble des niveaux d’enseignement, de l’éducation pré-élémentaire à l’enseignement supérieur et à la formation continue. En comparaison, l’analyse de l’iFRAP en 2013 se concentrait sur l’éducation obligatoire (de l’élémentaire à la fin du secondaire), citant un coût de 84 milliards d’euros. La différence de périmètre rend donc une comparaison nominale directe des totaux difficile.
La DIE a connu une croissance constante en termes nominaux, augmentant de 4,7 % en euros courants entre 2022 et 2023. Cependant, une fois ajustée à l’inflation (en prix constants), une légère diminution de -0,5 % a été observée en 2023. Cette évolution met en lumière un phénomène important : bien que des fonds supplémentaires soient alloués au système éducatif, la valeur réelle de cet argent est érodée par l’inflation. Cela signifie que la quantité ou la qualité réelle des services éducatifs qui peuvent être acquis avec ces fonds diminue. Cette érosion de la valeur réelle complexifie le débat sur le « surpaiement » ; elle suggère que même si le système français est intrinsèquement inefficace, il peine également à suivre le rythme de l’augmentation des coûts, ce qui pourrait entraîner une pression sur les ressources qui affecte directement les élèves et les enseignants. La nécessité d’améliorer l’efficience devient d’autant plus pressante dans un tel environnement économique.
La part du PIB consacrée à l’éducation est plus élevée en France que la moyenne de l’OCDE (Depp)
La DIE en Pourcentage du PIB
En 2023, la DIE représentait 6,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de la France. Ce pourcentage est remarquablement stable, correspondant au chiffre rapporté pour 2014.
La stabilité du ratio DIE/PIB indique que les dépenses d’éducation ont globalement suivi le rythme de la croissance économique. Cela contredit l’idée d’une explosion des dépenses en termes relatifs. Cependant, si l’hypothèse initiale de l’iFRAP était que la France « surpayait » déjà à 6,7 % du PIB en 2014 en raison d’inefficacités structurelles, alors le maintien de ce même pourcentage d’un PIB désormais plus important implique que le montant absolu des « dépenses inefficaces » potentielles a augmenté. Cette stabilité suggère que les problèmes structurels fondamentaux identifiés par l’iFRAP (par exemple, les niveaux administratifs, les modèles de gestion des enseignants) sont profondément ancrés dans le système, consommant une part constante – et potentiellement inefficace – de la richesse nationale, plutôt que d’être le résultat d’une expansion budgétaire incontrôlée. L’attention se déplace donc du volume des dépenses vers l’efficience de leur allocation.
Dépense par Élève/Étudiant par Niveau d’Enseignement
La dépense moyenne par élève ou étudiant (y compris les apprentis) en 2023 s’élevait à 10 470 euros. Cette moyenne masque des variations significatives selon les niveaux d’enseignement : 8 450 euros pour un élève du premier degré, 11 320 euros pour un élève du second degré et 13 060 euros pour un étudiant de l’enseignement supérieur.
Cette dépense par élève substantielle, combinée aux résultats du PISA 2022 qui montrent que la France se situe autour de la moyenne de l’OCDE mais avec un écart socio-économique important , révèle une déconnexion notable entre l’investissement financier et l’atteinte de résultats éducatifs supérieurs et plus équitables. Cette persistance de l’écart suggère une inefficience critique dans la manière dont les fonds sont convertis en qualité et en équité éducatives. L’argument du « surpaiement », dans ce contexte, dépasse les simples chiffres budgétaires pour englober le retour sur investissement. Si des fonds considérables par élève ne se traduisent pas par de meilleurs scores PISA ou par une réduction de l’impact profond du milieu socio-économique sur la réussite scolaire, cela implique que les problèmes structurels sous-jacents (par exemple, les mécanismes d’allocation des ressources, les pratiques pédagogiques, l’efficacité des enseignants, les frais administratifs) entravent la conversion efficiente des intrants financiers en extrants éducatifs souhaités. Cela renforce la critique de l’iFRAP selon laquelle le problème est systémique plutôt que simplement une question de sous-financement ou de surfinancement isolée.
Répartition des Sources de Financement
La Dépense Intérieure d’Éducation (DIE) est majoritairement financée par les acteurs publics, représentant 81,7 % du total en 2023.
La répartition par financeur initial en 2023 est la suivante :
L’État : Contribue à la part la plus importante, soit 55,1 % (dont 51,4 % proviennent directement du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche). Le financement de l’État pour l’enseignement scolaire a augmenté de 4,5 % en euros courants en 2023, principalement en raison de l’augmentation des rémunérations du personnel (+5,1 % dans le premier degré et +4,9 % dans le second degré hors enseignement agricole) et de la mise en œuvre des mesures du « Pacte enseignant » pour des missions complémentaires.
Les Collectivités Territoriales : Représentent 23,0 % des dépenses. Leurs dépenses liées à l’éducation ont augmenté de 6,4 % en prix courants en 2023, couvrant les coûts de personnel, les dépenses de fonctionnement (telles que l’énergie et les transports scolaires) et les investissements en infrastructures. Les communes sont identifiées comme les principaux contributeurs à cette augmentation.
Les Entreprises : Leur part a augmenté pour atteindre 10,4 %. Cette contribution croissante est largement attribuée au financement des programmes d’apprentissage via les « Opérateurs de compétences » (OPCOs), ce qui reflète la forte croissance du nombre d’apprentis.
Les Ménages : Contribuent à hauteur de 7,9 %. Cette part est revenue aux niveaux d’avant la crise sanitaire, principalement en raison de la reprise des voyages scolaires et de l’impact de l’inflation sur les dépenses de cantine scolaire et de fournitures éducatives.
Autres Administrations Publiques : Représentent 3,7 %.
L’augmentation significative de la part des entreprises dans le financement, principalement pour l’apprentissage, témoigne d’une diversification partielle des responsabilités de financement. L’iFRAP plaidait pour une diversification des sources de financement et une plus grande implication des acteurs non étatiques dans le cadre de son programme de décentralisation. Bien que l’augmentation du financement des entreprises soit spécifiquement destinée à la formation professionnelle et à l’apprentissage, elle représente de facto un transfert de responsabilité financière pour un segment du système éducatif, s’éloignant des budgets purement publics. Cette tendance, motivée par des choix politiques spécifiques (par exemple, les réformes du financement de l’apprentissage), s’inscrit dans l’esprit de la vision de l’iFRAP pour une charge financière plus répartie et un engagement accru du secteur privé, même si elle ne répond pas directement au financement du système scolaire de base. Elle indique une évolution pragmatique, bien que ciblée, vers un paysage de financement plus diversifié.
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